Belgique
Les premiers peuplements 
Des Romains aux Mérovingiens 
La Belgique doit son nom aux Belgae, des peuples celtes qui s'installèrent sur le territoire entre le IVe et le IIe siècle av. J.-C. Dans un premier temps, ils opposèrent une farouche résistance à l'occupation romaine, en particulier lors de la bataille de Solesmes, en 57 av. J.-C. En 54 av. J.-C., ils se rebellèrent, mais furent finalement soumis trois ans plus tard par Jules César. Sur le territoire de la Belgique actuelle, la Belgica, qui s'étendait du nord de la France aux Pays-Bas et à une partie de la Suisse, les Romains créèrent trois provinces: au nord, la Germanie Seconde, à l'est, la Belgique Première et à l'ouest, la Belgique Seconde. À cette époque, l'agriculture et le commerce se développèrent, de nombreuses routes furent construites; Tournai (Turnacum) et Tongres (Aduatuca) devinrent de véritables centres urbains.
Au IVe siècle, des tribus germaniques, les Francs Saliens, occupèrent les bouches de l'Escaut, la région de la Meuse et les bords du Rhin. Alliés à Rome, ils profitèrent des invasions des peuples barbares (Suèves, Vandales et Alains) pour s'emparer de Tournai, qui devint leur capitale, et pénétrer en Gaule. La domination franque des Mérovingiens succéda à celle de Rome en Europe occidentale. Dès cette période, le particularisme entre le Nord et le Sud se dessina: au nord, les Francs fondèrent ce qui allait devenir la Flandre; au sud et au sud-est, ces mêmes Francs se fondirent dans l'élément gallo-romain, numériquement plus important, et donnèrent naissance à la Wallonie. Depuis cette époque, la frontière linguistique entre les deux communautés, suivant une ligne est-ouest reliant Visé à Mouscron, en passant par le sud de Bruxelles, n'a pas varié.
L'évangélisation commencée du temps de l'Empire romain se poursuivit. Les moines donnèrent une impulsion majeure aux défrichements (les Kempen du Brabant) et les forêts des Ardennes abritèrent des centres monastiques comme Saint-Hubert ou Stavelot, fondé par Sigebert, roi d'Austrasie.
L'empire carolingien et les invasions vikings 
Rattachées à l'empire carolingien par Charlemagne, les régions belges furent démembrées lors de la partition du royaume franc avec le traité de Verdun en 843. La Francia occidentalis de Charles le Chauve (qui allait devenir la France) reçut la Flandre germanique tandis que les régions wallonnes étaient intégrées à la Lotharingie germanique (futur Saint Empire romain germanique). Ce premier partage fut suivi de deux autres traités: celui de Meerssen en 870 et celui de Ribemont en 880.
Parcourue de voies d'eau facilement navigables, la Belgique subit dès cette époque les assauts des Vikings. Moitié marchands, moitié pillards avec leurs drakkars de très faible tirant d'eau, ils remontèrent les cours d'eau et mirent à sac le territoire belge, ainsi que le nord de la France. Ils ne furent définitivement repoussés qu'en août 891 par Arnulf de Carinthie. À la même époque, à l'extrême ouest, naquit le comté de Flandre, qui se plaça dans la mouvance française.
L'essor médiéval 
Vers l'unité 
Avant même l'an1000 se profila cette expansion démographique et économique qui dura jusque vers 1350 en Flandre et en Wallonie. Sur le plan politique, les principautés indépendantes et les seigneuries se multiplièrent au IXe et au Xe siècles. La Lotharingie fut divisée entre la Haute-Lotharingie, ou Lorraine, et la Basse-Lotharingie, ou Lothier. Au comté de Flandre s'ajoutèrent le comté de Hainaut, de Namur et de Luxembourg, ainsi que les duchés du Brabant et de Limbourg, la seigneurie de Malines et la principauté de Stavelot. L'évéché de Liège était une principauté indépendante. L'unification de ces territoires fut réalisée avec les comtes de Flandre; en particulier grâce à l'action de Philippe d'Alsace (1168 à 1191), qui institua un véritable État. Cette période marqua l'apogée de la Flandre, qui chercha à se démarquer de la France (bataille de Bouvines en 1214), étendit ses territoires et participa activement aux croisades.
Les communes 
À partir du XIIe siècle, l'essor économique des villes conduisit, comme en Italie, à la formation de communes. Les privilèges et franchises des cités marchandes (Bruges avait le monopole de la laine, Gand celui du blé, Damme celui du commerce du vin et du sel avec toute l'Europe du Nord) principalement économiques se transformèrent en franchises politiques. Liège et les cités flamandes revendiquèrent les libertés politiques et les villes de Flandre devinrent des États. L'essor communal reposait sur le développement du commerce et de l'industrie qui allaient engendrer une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie urbaine. La richesse de cette civilisation marchande qui avait donné naissance à une culture flamande autonome était de nature à exciter bien des convoitises, notamment celles des rois de France.
Ainsi, Philippe IV le Bel tenta d'annexer la Flandre lors de la bataille des Éperons d'or en 1302, mais les populations résistèrent. Par le pacte de 1339, les pays de Flandre, de Brabant-Limbourg et de Hainaut furent réunis. Régulièrement, la France continua à intervenir sans pour autant arriver à ses fins. La Flandre demeura indépendante pendant la guerre de Cent Ans, mais sa destinée allait désormais être liée à celle de la Bourgogne.
L'hégémonie bourguignonne 
En effet, le dernier comte de Flandre, Louis le Mâle, avait donné sa fille Marguerite en mariage au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi. À sa mort, en 1384, la Flandre fut alors rattachée à la Bourgogne, donnant naissance aux Pays-Bas bourguignons qui allaient se dresser contre la France au milieu du XVe siècle. Une politique patrimoniale habile permit au duché de fonder un État puissant avec ses propres institutions, situé entre la France et l'Allemagne. En 1435, le traité d'Arras mit fin au conflit franco-bourguignon. Le duc Philippe le Bon continua la politique d'expansion de ses prédécesseurs: il annexa le comté de Namur en 1421, le duché de Brabant-Limbourg en 1430, puis les comtés de Hainaut, de Zélande, de Hollande, de Frise, le duché de Luxembourg en 1441 et la principauté de Liège en 1456. Le XVe siècle fut également marqué par l'épanouissement des arts et de la culture. Cet essor fut cependant interrompu par la mort, en 1477, du dernier souverain bourguignon, Charles le Téméraire.
La Belgique des Habsbourgs 
Les Hasbourgs d'Espagne 
L'héritière de Charles le Téméraire, Marie de Bourgogne, par son mariage avec Maximilien de Habsbourg en 1477 fit passer la Belgique aux mains des Habsbourgs. À la même date, elle accorda l'autonomie aux provinces flamandes par la charte du Grand Privilège.
Élu empereur en 1493, MaximilienIer maria son fils, Philippe le Beau, à la fille des Rois catholiques d'Aragon, Jeanne la Folle. De cette union naquit à Gand, le 24 février 1500, un héritier mâle: Charles. En 1506, Charles monta sur le trône d'Espagne; en 1516, il devint empereur romain germanique, sous le nom de Charles Quint et se trouva à la tête d'un formidable Empire encerclant la France. En novembre 1549, il décréta l'union définitive des dix-sept provinces des Pays-Bas bourguignons aux possessions d'Espagne. À ces provinces dotées de conseils, Charles Quint avait annexé Tournai, Utrecht, Overijssel, Groningue, Drenthe, la Gueldre et Zutphen. Son règne se caractérisa par l'essor des centres urbains, en particulier celui du port d'Anvers qui favorisa le développement industriel et financier de la ville. Cependant, entre 1539 et 1540, Charles Quint dut faire face à la révolte de Gand, à laquelle il imposa une sévère répression.
La crise de la Réforme et de la Contre-Réforme 
Ayant abdiqué en 1555, Charles Quint laissa à son successeur Philippe II d'Espagne les dix-sept provinces. Espagnol, éduqué loin des Flandres, il ne parlait aucune des langues nationales des provinces belges. Catholique intolérant, il s'aliéna la population par son intransigeance religieuse et par sa politique de centralisation absolutiste qui heurtait la noblesse. Face à l'essor de la Réforme protestante, Philippe II imposa l'Inquisition et la Contre-Réforme.
De la révolte à la division des Pays-Bas 
La révolte des Pays-Bas débuta en 1566. Le duc d'Albe fut nommé gouverneur général et envoyé avec une armée afin de réprimer l'insurrection. Il instaura des «conseils des Troubles» qui se révélèrent être de véritables tribunaux d'exception. Les comtes d'Egmont et de Hornes furent exécutés, Guillaume d'Orange dut s'enfuir et des milliers de Flamands s'exilèrent. La guerre civile s'étendit. La ville d'Anvers fut en novembre 1576 le lieu de pillages et de massacres, qui prirent le nom de Furie espagnole. Au même moment, un accord sur la pacification de Gand fut conclu, mais il resta sans suite. La lutte contre les rebelles continua avec la nomination d'un nouveau régent, Alexandre Farnèse.
Le conflit évolua en 1579 avec la dislocation des dix-sept Provinces-Unies. En effet, le 6 janvier 1579, l'union d'Arras fut signée, elle regroupait les provinces catholiques du Sud -correspondant à l'actuelle Belgique- fidèles à l'Espagne. Le 23 janvier, sept provinces du Nord, à majorité protestante, la Gueldre, la Frise, la Hollande, Groningue, l'Overijssel, Utrecht et la Zélande, déclarèrent à leur tour leur indépendance, en formant les Provinces-Unies des Pays-Bas, au sein de l'union d'Utrecht.
Les Provinces-Unies 
Philippe II continua sa politique et tenta de reconquérir les provinces perdues. En 1609, alors que les deux camps étaient épuisés, Philippe III d'Espagne signa une trêve de douze ans avec les rebelles et reconnut l'indépendance des Provinces-Unies. Entre-temps, la guerre de Trente Ans (1618-1648) avait éclaté. Les Provinces-Unies avaient trouvé un puissant allié pour s'opposer à la politique espagnole en la personne des rois de France. En 1635, les Hollandais et les Français unirent leurs forces pour démembrer les Pays-Bas espagnols, mais ils ne parvinrent pas à en déloger les Espagnols.
Finalement, les victoires françaises et hollandaises forcèrent le roi d'Espagne, Philippe IV, à accepter de signer une paix séparée avec les Hollandais en 1648. Le Sud, constitué par la Belgique et le Luxembourg actuels, restait sous domination espagnole. Le traité de Münster qui, avec les autres traités de Westphalie, mit fin à la guerre de Trente Ans donna Maastricht aux Hollandais, et l'Espagne accepta la fermeture de l'Escaut. Traversant le territoire hollandais, le fleuve avait toujours été la seule voie d'accès à la mer du port d'Anvers. La grande cité portuaire et commerciale entra alors dans une phase de déclin.
Les tentatives d'annexion françaises 
Les traités ne mirent pas fin à la guerre entre la France et l'Espagne. Durant tout son long règne, le roi de France, Louis XIV, refusa d'abandonner ses visées sur cette région. Pendant vingt et un ans, les Pays-Bas espagnols furent un champ de bataille, ce qui acheva de ruiner le pays. La paix des Pyrénées, en 1659, donna à la France l'Artois, ainsi que plusieurs places fortes et régions frontalières en Hainaut, en Flandre et au Luxembourg. La guerre de Dévolution (1667-1668) fut une guerre de conquête, mais, lors du traité d'Aix-la-Chapelle, Louis XIV dut se contenter de quelques places militaires aux frontières du Nord. L'hégémonie française inquiétait les puissances européennes. La guerre de la ligue d'Augsbourg (1686-1697) ne devait pas contribuer à calmer les ambitions françaises. Les Pays-Bas espagnols furent à nouveau le but de la guerre de Succession d'Espagne.
Les Habsbourgs d'Autriche 
La paix d'Utrecht, ensemble de traités signés entre 1713 et 1715, symbolisa la fin du conflit et donna à la France une partie de la Flandre, ainsi que Dunkerque et Lille. Cependant, la majorité du territoire fut cédée à l'Autriche, sous l'autorité de l'empereur germanique CharlesVI et, conformément au traité de la Barrière de 1715, des garnisons hollandaises de sûreté occupèrent les forteresses situées aux frontières de la France. Le territoire de la Belgique était alors composé des duchés de Luxembourg, de Gueldre, de Brabant, de Limbourg, des comtés de Hainaut et de Flandre, du marquisat de Namur et des villes de Tournai et de Malines.
La guerre de Succession d'Autriche, qui débuta en 1740, déclencha une fois de plus l'invasion et l'occupation du pays par la France, mais, en 1748, le traité d'Aix-la-Chapelle rendit le pays à l'Autriche. Hormis cette invasion, les débuts de la souveraineté autrichienne sur la Belgique furent paisibles. Sous les règnes de Marie-Thérèse et de son fils, Joseph II, tous deux despotes éclairés, la philosophie des Lumières occupa une grande place. De nombreuses réformes furent mises en route, en particulier dans le domaine judiciaire; en 1781 fut promulgué un édit de tolérance religieuse.
Cependant, la paix civile prit fin en 1781 quand l'empereur Joseph II décida de raser les forteresses frontalières et de rouvrir l'estuaire de l'Escaut. Les Hollandais interdirent à nouveau le fleuve au commerce. Par la suite, en 1787, engagé dans une réforme profonde des domaines impériaux des Habsbourgs, le souverain décida l'abolition de l'autonomie provinciale dont jouissaient les Pays-Bas autrichiens. Aux conseils provinciaux fut substitué un Conseil du gouvernement général et le pays fut divisé en neuf cercles, sous l'autorité d'intendants. Les anciens corps politiques, mécontents de la disparition de leurs prérogatives, formèrent des partis patriotes. Le refus de tout compromis par Joseph II provoqua un soulèvement général qui coïncida avec le début de la Révolution française.
Révoltes et occupations étrangères 
Des États belgiques unis au royaume de Belgique 
La révolte brabançonne éclata en 1789. La plupart des garnisons autrichiennes furent contraintes de capituler et, le 10 janvier 1790, une république confédérée, les États belgiques unis, fut proclamée. Mais les Belges se divisèrent sur la question sociale et sur les privilèges. Un an après la mort de Joseph II, en 1790, son successeur Léopold II rétablit l'ordre et ses droits, à la suite de la bataille de Falmagne.
Mais, la déclaration de guerre en mars 1792 par le ministère girondin de Louis XVI allait entraîner l'Autriche de François II dans la tourmente des conflits de la Révolution et des guerres napoléoniennes. Victorieuse à Jemmapes en novembre 1792, puis défaite à la bataille de Neerwinden en mars 1793, l'armée française, menée par Jean-Baptiste Jourdan, remporta finalement la bataille de Fleurus, le 26 juin 1794. La Belgique revint officiellement à la France en vertu du traité de Campoformio en 1797.
La période française 
D'une façon générale, le régime installé par les Français, s'il avait ses partisans, fut impopulaire; malgré cela la Belgique tira profit de la domination française. Le territoire fut remodelé, sa superficie accrue par l'intégration de la principauté-évêché de Liège, l'Ancien Régime aboli; mais les tentatives d'établir la conscription en 1798 déclenchèrent une révolte armée, la guerre des Paysans.
Le Premier consul Bonaparte ramena le calme, puis intégra la Belgique à l'Empire français où elle forma neuf départements. Les Belges tirèrent aussi des avantages économiques de la prépondérance française. L'Escaut fut rouvert à la navigation, ce qui permit à Anvers de redevenir un grand centre commercial, au grand dam de la Grande-Bretagne qui n'accepta jamais de voir une puissance ennemie contrôler la voie commerciale par où arrivaient le fer et le bois nécessaires à ses industries. L'industrialisation de la Belgique fut favorisée par des capitaines d'industrie comme John Cockerill et Liévin Bauwens. Des réformes judiciaires et l'introduction du Code civil furent également des apports français.
En mars 1815, le pays fut occupé par les armées de la coalition des puissances européennes ayant participé au congrès de Vienne (Russie, Autriche, Prusse, Grande-Bretagne). Le 22 juin 1815, Napoléon Ier y livra la bataille de Waterloo, la dernière grande bataille des guerres napoléoniennes où les Belges combattirent tant du côté français que du côté des puissances coaliées.
La période hollandaise et la révolution belge
Du congrès de Vienne, en 1815, devaient émerger une nouvelle Europe et l'union des provinces belges et hollandaises au sein d'un nouveau royaume de Belgique et des Pays-Bas, qui fut confié à un roi hollandais, Guillaume Ier d'Orange. Cependant, la complémentarité économique des deux régions ne put venir à bout des clivages religieux, sociaux et politiques entre un Nord néerlandophone, protestant et plutôt conservateur, et un Sud catholique progressiste, francophone et gagné aux idées de la Révolution française. La Belgique catholique ne voulait pas d'un souverain protestant non plus que du néerlandais comme langue officielle.
Après la formation d'une première coalition d'opposants en 1828, l'annonce d'une révolution en France, en juillet 1830, cristallisa les oppositions. La révolte belge débuta le 25 août 1830. Le 27septembre, les troupes hollandaises furent chassées de Bruxelles, et le 4 octobre, un gouvernement provisoire, composé de catholiques et de libéraux, proclama l'indépendance de la Belgique. Les grandes puissances, l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie reconnurent l'indépendance de la Belgique, malgré l'opposition de la Hollande à la conférence de Londres, le 4 novembre 1830.
Indépendance et neutralité 
Le nouvel État 
Les Belges élaborèrent une Constitution, et Léopold Ier de Saxe-Cobourg-Gotha fut choisi comme souverain. Le 21juillet 1831, il prêta serment sur la Constitution qui avait été instituée en février de la même année. En outre, l'élaboration d'un protocole, le 20 janvier 1831, considéra la Belgique comme un «État indépendant et perpétuellement neutre».
Cependant, les Hollandais attaquèrent le jeune royaume lors de la campagne des Dix Jours, en août 1831, mais durent se retirer après l'intervention de l'armée française. La lutte se poursuivit encore sept ans jusqu'à la signature d'un traité définitif à Londres, le 19 avril 1839. La Belgique y gagnait une partie du Luxembourg mais perdait une partie du Limbourg attribuée aux Pays-bas. Prince allemand et anglais par ses origines familiales, Léopold Ier fut un monarque attentif, à l'écoute de ses ministres; son habileté politique lui permit d'avoir une autorité considérable dans son pays.
Sur le plan politique, l'alliance entre les catholiques et les libéraux, l'unionisme, perdura pendant la première moitié du XIXe siècle. La lutte traditionnelle entre les partis reprit le dessus dès 1840 et, en 1847, les libéraux (dont le parti avait été fondé en 1846) remportèrent les élections.
Le déclin économique qui résultait de la séparation des marchés hollandais et belge fut de brève durée. La construction, à partir de 1834, d'un réseau ferré qui relia les principales villes dès 1840 facilita la mise en valeur des industries houillères et de la métallurgie wallonne, ce qui permit à la Belgique de devenir le pays le plus industrialisé d'Europe continentale. En outre, l'agriculture demeurait compétitive et les secteurs bancaire et financier étaient en pleine expansion. Malgré une première crise économique en 1845 qui entraîna un phénomène de paupérisation de la société, le libre-échangisme était dominant entre les différents pays d'Europe.
Les crises politiques 
Sous Léopold II, la Belgique fut confrontée à de nombreuses crises politiques. Trois problèmes fondamentaux dominèrent la vie politique: l'enseignement, le système électoral et la question linguistique. Les libéraux préconisaient le monopole de l'État sur l'enseignement, à l'encontre des catholiques, partisans de la liberté d'enseignement. La loi de 1842, qui accordait au clergé le contrôle de l'enseignement primaire, fut abrogée en 1879 par la loi Van Humbeek, défendue par le ministre anticlérical Frère-Orban. La crise ouverte amena la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. La pleine liberté de l'enseignement fut rétablie en 1884, sous le gouvernement Malou, et l'enseignement religieux fut à nouveau imposé dans les écoles publiques à partir de 1895.
Les deux camps s'affrontèrent aussi sur la question électorale. Dès 1848, les libéraux obtinrent l'abaissement du cens électoral, mais, en 1870, il n'y avait encore que 100000 électeurs sur une population de 6millions d'habitants. La situation ne se débloqua qu'après une campagne de pétitions et de grèves organisées en 1893 par le Parti socialiste nouvellement créé. Le ministère catholique dut accepter l'adoption du système du vote plural: selon la loi Nyssens, le principe du suffrage universel était acquis pour tous les Belges âgés de vingt-cinq ans et domiciliés en Belgique depuis plus d'un an, mais certaines catégories professionnelles bénéficiaient d'une voix de plus, comme les grands propriétaires et certains hauts fonctionnaires. En 1899, le système de la représentation proportionnelle fut institué avant l'établissement du suffrage universel simple, en 1919.
La querelle linguistique se posa dès 1840, la Constitution ne prévoyant qu'une langue officielle: le français. Par étapes successives, les défenseurs du néerlandais imposèrent l'introduction de cette langue dans la vie officielle du pays. En 1879, elle était introduite dans les tribunaux, puis, en 1894, la loi DeVriendt-Coremans lui donna rang de langue officielle avec le français.
Vers 1880, l'industrialisation et la densité de la population avaient créé dans les villes de Belgique des conditions de vie épouvantables. À cela s'ajoutaient une crise économique caractérisée par une surproduction industrielle, une réduction du pouvoir d'achat et une augmentation du chômage. Les premières revendications sociales furent le fait de militants socialistes, travailleurs gantois et wallons, ainsi que de syndicats et coopératives mutualistes. Sous l'impulsion de personnalités comme le comte Albert de Mun et le comte Henry Carton de Wiart naissait un catholicisme social agissant. Sous la pression de leurs efforts conjugués, le gouvernement Bernaert adopta une législation sociale: ce furent les lois sur les constructions d'habitations ouvrières (1889), sur les pensions de vieillesse (1894), sur la réglementation du travail des femmes et des adolescents (1888 et 1906) et sur l'introduction d'assurances concernant les accidents du travail (1903).
L'impéralisme belge
Comme dans le reste de l'Europe, l'impérialisme colonial eut ses partisans en Belgique. Le premier d'entre eux fut Léopold II, qui finança personnellement une expédition sur le fleuve Congo. Il engagea sir Stanley à son service et se tailla en Afrique centrale un empire qui était sa propriété personnelle. À la conférence de Berlin en 1885, l'Association internationale du Congo, fondée par Léopold II, fut reconnue comme un État souverain. L'exploitation sans merci des ressources humaines et matérielles du pays se poursuivit après la cession par Léopold II du Congo, comme colonie, à la Belgique en 1908.
La Première Guerre mondiale 
Une semaine après le début de la guerre, le 4 août 1914, selon le plan Schlieffen, les armées allemandes franchirent la frontière belge, violant la neutralité du pays. Le gouvernement s'opposa à l'invasion et demanda l'aide de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie. L'armée belge opposa une résistance héroïque: pendant quatre ans, les soldats retranchés sur les lignes de l'Yser tinrent tête à l'armée allemande. Le gouvernement belge s'exila au Havre tandis que le «roi chevalier» Albert Ier refusait obstinément de quitter la Belgique.
L'occupant allemand tenta d'utiliser à son profit les divisions linguistiques en établissant des administrations flamandes et wallonnes indépendantes; ces initiatives ne trouvèrent aucun soutien chez des populations civiles traumatisées, l'Allemagne refusant de subvenir aux besoins alimentaires de la population belge. Un million de civils se réfugièrent en France.
La grande offensive alliée, qui débuta le 28 septembre 1918, libéra toute la côte belge. Les Allemands, également repoussés en France, signèrent l'armistice du 11 novembre 1918 et se retirèrent du territoire belge. Aux termes du traité de Versailles, l'Allemagne céda à la Belgique les cantons germanophones d'Eupen, Malmédy et Saint-Virth, et le territoire du Ruanda-Urundi, ancienne colonie allemande, fut placé sous mandat belge. La Belgique reçut des dommages de guerre et sa neutralité fut levée.
L'entre-deux-guerres 
La reconstruction des régions dévastées fut relativement rapide. En 1921, l'Union économique belgo-luxembourgeoise fut créée permettant un redressement plus rapide des industries et de l'agriculture. Cependant, des privatisations et une dévaluation furent nécessaires à ce redressement. En outre, les conséquences de la crise économique de 1929 touchèrent la Belgique qui dut pratiquer une nouvelle dévaluation en 1936. La période de reconstruction économique fut également propice à une nouvelle législation sociale: le droit de grève, la liberté syndicale et la semaine de quarante-huit heures furent adoptés en 1921, les lois sur le salaire minimal et les congés annuels de six jours furent votées en 1936.
Sur le plan politique, l'introduction, en 1919, du suffrage universel unique pour tous les hommes modifia le jeu politique, empêchant la domination d'un seul parti. L'union nationale dominait avec l'alliance des catholiques, des libéraux et des socialistes. Cependant, des mouvements extrémistes se développèrent tels que le Rexisme, parti francophone autour de Léon Degrelle, et le Front-Partij, flamand, qui devint en 1933, le Vlaams Nationaal Verbond (VNV), la Ligue nationale flamande. Après la mort accidentelle d'AlbertIer, son fils, Léopold III, lui succéda en 1934.
Sur le plan diplomatique, la Belgique ayant abandonné sa politique de neutralité signa une alliance militaire avec la France en 1920, participa à l'occupation de la Ruhr en 1923-1925 puis adhéra aux accords de Locarno en 1925.
La Seconde Guerre mondiale 
En 1936, à la suite de la remilitarisation de la Rhénanie, la Belgique, doutant des systèmes de sécurité collective mis en place après 1919, décida de revenir à une politique traditionnelle de neutralité. Elle dénonça ses accords militaires passés bien que la Grande-Bretagne et la France aient confirmé en avril 1937 leur engagement de prendre part à la défense du pays en cas d'agression étrangère.
Le 10 mai 1940, la Belgique était attaquée pour la seconde fois par l'Allemagne. Sans avertissement ni ultimatum, les terrains d'aviation, les gares et les centres de communication belges furent bombardés par l'aviation allemande, tandis que les divisions blindées allemandes se ruaient à travers les Ardennes. Les troupes françaises et britanniques venues au secours des armées belges furent encerclées ou refoulées autour de Lille et Dunkerque. Le 28 mai, le roi Léopold III capitula sans condition et refusa de suivre en exil le gouvernement belge. Le 30 mai, les ministres rompirent avec Léopold III qui fut interné au château royal de Laeken puis transféré en Autriche en 1944. Après la capitulation de la France, le Premier ministre, Hubert Pierlot, et le ministre des Affaires étrangères, Paul Henri Spaak, retenus en Espagne, rejoignirent à Londres le gouvernement en exil.
L'occupation allemande fut implacable. Malgré cela, certains mouvements fascistes comme celui de Léon Degrelle ou les nationalistes de la Ligue nationale flamande de Staff DeClerq (1884-1942) et de Joris VanSeveren (1884-1940), ainsi que le Vlaams-Duitse Arbaidsgemeenschap ou DeVlag (Communauté de travail germano-flamande) de Jef Vandeviele soutinrent l'occupant et se prononcèrent pour l'intégration à l'Allemagne; certains allèrent jusqu'à intégrer les rangs des SS. Cependant, les déportations, l'instauration du Service du travail obligatoire (STO) et le pillage économique de la Belgique par l'Allemagne nazie renforcèrent la résistance belge.
Le gouvernement en exil rentra finalement à Bruxelles le 8 septembre 1944, dans le sillage des armées alliées. La bataille des Ardennes retarda la libération complète de la Belgique, qui ne fut achevée que le 5 février 1945.
La Belgique après-guerre 
La politique intérieure et extérieure 
Après la guerre, les oppositions politiques s'exacerbèrent entre le Parti social-chrétien (PSC catholique) et la coalition des libéraux, des socialistes et des communistes. Après la dissolution du Parti ouvrier belge (POB), le Parti socialiste belge (PSB) fut créé.
En matière de politique étrangère, la Belgique devint membre des Nations unies (ONU) le 26 juin 1945, et apporta un soutien conséquent aux autres pays membres occidentaux pendant la guerre froide. En avril 1949, elle adhéra à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).
La question royale 
Le cas du roi Léopold III, qui était resté en Suisse dans l'attente d'une décision quant à son avenir, exacerba les divisions internes. Au cours de l'été 1945, en dépit des pressions exercées par le PSC, qui était favorable au retour du monarque, le Parlement belge étendit la régence du frère du roi, le prince Charles, sans limitation de durée, bannissant Léopold III en raison de sa conduite controversée au cours de la guerre.
Le 12 mars 1950, après plus d'un an de crises gouvernementales successives provoquées par la question royale, les électeurs belges se rendirent aux urnes dans le cadre d'un référendum consultatif afin de se prononcer sur le retour de Léopold. Les votants se prononcèrent à 57,6 p.100 en faveur du retour du roi. Mais le Parlement y était opposé, et ce n'est qu'après sa dissolution et de nouvelles élections que le roi put revenir en juillet 1950. Cependant, ses ennemis ne désarmèrent pas: des grèves, des marches de protestation et des émeutes se produisirent dans de nombreuses agglomérations urbaines. On frôlait la guerre civile quand, le 3 août 1950, à la suite de négociations avec le gouvernement et les chefs politiques, Léopold III accepta d'abdiquer en faveur de son fils, le prince héritier Baudouin, qui devint roi à sa majorité le 17 juillet 1951.
La coopération européenne 
Malgré des pertes humaines considérables, la Belgique se releva très vite après la guerre, l'infrastructure industrielle étant restée miraculeusement intacte. L'assainissement monétaire, l'aide américaine du plan Marshall et une politique d'intégration économique au sein de l'Europe portèrent rapidement leurs fruits. En effet, les années 1950 furent marquées par les efforts conjoints des dirigeants européens désireux de réaliser une union politico-économique des nations d'Europe de l'Ouest. Dans un premier temps, l'union douanière du Benelux fut mise en place en 1948. En prenant part de façon active à ce mouvement, la Belgique, de concert avec la France, la RFA, le Luxembourg, l'Italie et les Pays-Bas, devint membre de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1952.
En 1954, après le refus de la France de ratifier le traité établissant la Communauté européenne de défense (CED), le ministre des Affaires étrangères Paul Henri Spaak fut l'initiateur du second «lancement de l'Europe». Ses efforts contribuèrent à créer en 1957, par le traité de Rome, la Communauté économique européenne. Bruxelles devint le siège de l'exécutif et d'une grande partie des services administratifs de la CEE. De même, la Belgique adhéra à la Communauté européenne de l'énergie atomique, l'Euratom. Depuis, le pays a largement tiré profit de son adhésion et du rôle clé qu'il a joué dans ces organisations supranationales.
La fin des colonies 
En janvier 1959, des mouvements qui réclamaient plus d'émancipation et des soulèvements à Léopoldville, au Congo belge, obligèrent la Belgique à se retirer de son empire d'Afrique. Après la conférence de la table ronde de Bruxelles au début de l'année 1960, le roi Baudouin proclama l'indépendance de la colonie (l'actuelle République démocratique du Congo), le 30 juin 1960, et intervint militairement pour protéger ses ressortissants. Ce départ des autorités belges fut suivi par des troubles qui dégénérèrent en véritable guerre civile. En 1962, le territoire du Ruanda-Urundi, placé sous mandat belge en 1919 et sous tutelle de l'ONU en 1946, accéda à l'indépendance; de celui-ci devait naître deux États: le Rwanda et le Burundi.
Les fractures sociales 
Le conflit linguistique 
À partir des années 1960, la vie politique fut dominée par le réveil de la querelle ethnolinguistique entre Flamands et Wallons. Déconsidérés par leur engagement dans la collaboration, les partis flamands ne se reformèrent que lentement, et ce n'est qu'en 1954 qu'un nouveau parti, la Volskunie (VU), fut fondé. Après la scission du ministère de l'Éducation nationale et des Affaires culturelles en deux et l'établissement d'une frontière linguistique en 1962, le problème fut porté devant le Parlement en 1963. Ainsi, en septembre 1963, une loi sur le statut linguistique des communes de Bruxelles fut adoptée en même temps que le transfert de la région francophone de Mouscron de la Flandre au Hainaut et de la commune de Fourons à la province flamande du Limbourg, mais les problèmes ne furent pas réglés pour autant.
En janvier 1968, des affrontements entre Wallons et Flamands entraînèrent la chute du gouvernement. L'université de Louvain fut scindée en deux, les facultés francophones durent quitter le Brabant. En juin, le dirigeant social-chrétien, Gaston Eyskens, forma une coalition avec les socialistes. Le gouvernement dut se résoudre à affronter le problème constitutionnel posé par la coexistence de deux peuples de cultures différentes au sein d'un même État. Eyskens conserva la majorité en 1971, mais son gouvernement dut démissionner en novembre 1972. Une coalition de trois partis menée par les socialistes d'Edmond Leburton prit le relais; affaiblie par les tensions communautaires, elle se désunit en janvier 1974. Après les élections de mars, le social-chrétien Léo Tindemans forma une coalition avec les libéraux, les sociaux-chrétiens et le Rassemblement wallon.
À cette instabilité ministérielle s'ajouta une crise économique due au choc pétrolier de 1973. Le vieillissement des industries wallonnes, la crise des charbonnages et de la sidérurgie aggravèrent la récession économique. La croissance était en baisse, le chômage et l'inflation augmentaient. Tindemans gouverna jusqu'en février 1977. Les élections d'avril furent précédées par la conclusion d'un pacte, le «pacte d'Egmont», qui prévoyait le découpage de la Belgique en trois régions dotées d'une large autonomie. Son application se heurta à de multiples oppositions notamment à Fourons. De nouvelles élections en décembre 1978 furent peu concluantes.
Les réformes constitutionnelles 
Durant les années 1980, la vie politique fut dominée par les partis sociaux-chrétiens, le plus souvent sous la conduite de Wilfried Martens. Il forma son huitième gouvernement en 1988. La réforme de l'État continua et, en janvier 1989, le Parlement adopta un projet de loi de décentralisation destiné à transférer certains pouvoirs du gouvernement fédéral vers les trois régions ethnolinguistiques. La mise en œuvre de cette loi fut lente, et les élections de novembre 1991 donnèrent aux sociaux-chrétiens une courte majorité. Martens démissionna de son poste de chef du parti, et son successeur, Jean-Luc Dehaene, forma un nouveau gouvernement de centre gauche en mars 1992. En ratifiant le traité de Maastricht, relatif à l'Union européenne, au cours de l'automne 1992, la Belgique se prononça en faveur d'une coopération économique et politique accrue en Europe.
En mai 1993, le processus de décentralisation de la Belgique prit fin et la nouvelle Constitution institua officiellement un pays fédéral composé de trois régions: la Région flamande, la Région wallone et Bruxelles-Capitale. Les réformes constitutionnelles ont amené un équilibre des pouvoirs entre les communautés: la Belgique est aujourd'hui un État à la fois fédéral, communautaire et régional, où les différentes sphères politiques et culturelles coexistent. Au roi Baudouin décédé le 31 juillet 1993 succéda son frère, Albert II.
Les questions de société 
Néanmoins, l'édifice ainsi construit demeure fragile. Les «affaires», le financement caché des partis politiques, la corruption et les tensions entre Wallons et Flamands sur un fond de crise sociale persistante ont aggravé les fractures. Pourtant, les élections du mois de mai 1995 ont été remportées par la coalition des sociaux-chrétiens et des socialistes du Premier ministre, Jean-Luc Dehaene, qui a été reconduit dans ses fonctions.
La crise de l'État belge demeure profonde : signicatif à cet égard est ce sondage de janvier 1996 réalisé en Flandre, qui indiquait que 64 p.100 des Flamands se sentaient d'abord flamands contre 30 p.100 se définissant en premier lieu comme belges. En même temps, 80 p.100 d'entre eux déclaraient vouloir plus d'autonomie pour la Flandre tandis que 70 p.100 regrettaient la Belgique d'antan. Du côté flamand, on interprète l'autonomie au sens le plus large, le partage des fonds publics pour la Sécurité sociale jugé défavorable est l'objet de nombreuses critiques; du côté wallon, on estime qu'une scission ou une régionalisation du système social signifierait la fin de l'État belge. La loi sur le partage des fonds publics est une loi transitoire qui devrait être revue en 1999; d'ores et déjà, les partis politiques se préparent à une éventuelle confrontation.
L'«affaire Dutroux» est venue souligner la fragilité des rapports entre les élites et les simples citoyens : le désaisissement du juge chargé de l'enquête sur ce réseau de pédophilie a déclenché une vague de protestations qui culmina lors de la «marche blanche» au mois d'octobre 1996, spectaculaire manifestation qui rassembla plus de 300 000 personnes (Flamands et Wallons). À la suite de ce mouvement, le Premier ministre annonça la mise en place d'une réforme du système judiciaire.

                                                                                                              

 

 

Origine de la langue wallonne

 

" NOSSE WALON "
Préambule : Pour bien aimer quelqu'un où quelque chose il faut le connaître le mieux possible. C'est pourquoi, nous commencerons par apprendre les origines de notre Wallon.

ORIGINE Indo-européenne.

- Les Indo-européens sont des peuples qui se sont formés entre ma Mer Noire , l'Iran et l'Asie centrale, puis ont émigré par vagues successives vers l'Europe occidentale.
Ainsi, l'Europe a été peuplée par ces immigrants venus de l'est à partir du 3°millénaire av. J-C.
Les slaves se sont installés en Russie, les Hèllènes en Grèce, les Italiots en Italie, Les Germains
au Danemark, les Ibères en Espagne et les celtes en Gaule.
Ces immigrants possédaient la civilisation des métaux ; Ils firent pression sur les peuplades locales, toujours restées au stade néolithique.
- Il y a donc 3000 ans, les peuples de langue indo-européennes ont conquis le monde . Leur origine est attestée par une apparenté linguistique et une ressemblance de culture populaires et paysannes.
Leur langue a donné naissance à ce qui est aujourd'hui : L'allemand, le portugais, l'arménien, le russe, le persan, l'anglais, le danois, l'italien, l'espagnol, le français ,…………le Wallon.
- La civilisation indo-européenne a produit des langues de fond commun. Chaque tribu émigrée a gardé sa langue et s'est assimilé la civilisation locale. Ce phénomène d'assimilation réciproque
S'est répété à chaque éclatement : slave, germain, latin. De là provient le caractère de souplesse et d'individualisme des langues indo-européennes, surtout pour les deux groupes germanique et roman. A remarquer la chance unique du groupe de langues romanes qui ont un ancêtre commun : le latin.
- Au début du 1° millénaire avant J-C. , la Wallonie était habitée par des descendants néolithiques
implantés là vers -1600, -1200. Elle furent envahie par une peuplade indo-européenne : les Celtes

ORIGINE Celtique

- Les Celtes sont originaires de l'Europe centrale. Ils se sont répandus dans l'Europe entière jusque' en Grande-Bretagne et en Irlande actuelles dès le 2° millénaire avant J-C. Ils englobent des populations d'origines diverses comme : les Galates, les Gallois, les Gaulois.
- Vers -800, l'invasion d'agriculteurs venus d'Europe centrale : Celtes. Ils sont de bons guerriers
(ils sot déjà délogé les Ligures installés en Gaule). Ils connaissent l'agriculture et deviennent sédentaires en s installant dans l'Europe de l'ouest. Ils possèdent un bon outillage, ont le sens de la solidarité et de liberté.
- Vers -650, d'autres Celtes, venus du nord-est de la France, envahissent le Namurois, le Brabant et le Hainaut .
Vers -500, -450, ils auraient investi tout le territoire wallon
- La culture des Celtes est essentiellement orale, transmise par les druides, détenteurs unique du patrimoine culturel, du savoir, de la religion et de la littérature.
- La langue celtique, mal connue, aura disparu complètement au 6° siècle de notre ère. Elle a laissé des traces évidentes : ainsi, tous les mots antérieurs au latin retrouvé dans le langue wallonne ne sont jamais du germain mais du celtique .

ORIGINE Gauloise de la langue

- Les Gaulois sont les derniers envahisseurs celtique de la zone occupée aujourd'hui par la France.
- Vers -475 , ils s'installent dans la région de la Marne et se répandent dans la gaule entière.
Vers -300, Les dernieres tributs celtes à franchir le Rhin sont les Belges
Vers -150, -125, des peuples issus de la région du Rhin ou de l'Eifel viennent s'établir entre la Marne et L'Escaut .
Un peu après, invasion des Tungri.
Vers -110, invasion des Aduatiques qui s'établissent à Namur.
- Tous ces peuples migrent volontiers et s'entremêlent de sorte qu'il est malaisé de reconstituer leur origine, leur époque et leur établissement.
- Ils se liguent devant la menace de Rome en une " ligue des Belges "
( D'où la citation attribuée à César ; De tout les peuples de la Gaule les Belges sont les plus braves)
Ils formaient à ce moment une soixantaine de communautés réparties sur les territoire gaulois.
- A la veille de la conquête romaine ' il existe seule langue gauloise dans tout le nord de la Gaule : Une langue orale, éloquente, poétique. Cette langue présente une certaine uniformité et les variantes dialectales ne sont pas importantes.
Le vocabulaire gaulois est constitué. Il en reste quelques traces dans la langue française et dans la langue wallonne. On en dénombre quelque 180 mots en langue française .Quand au wallon, qu'on
pense à " broûlî - brôlî…..bourbier - boue " , " biloke ….espèce de prune ronde " , " rôya - roye .….raie - ligne - sillon qui marque la limite d'un champ". etc………

ORIGINE Romaine

- La rapide expansion romaine conquiert la Gaule en deux temps : en -125 d'abord , conquête de la Gaule du sud ( Provincia Romana ), de -58 à -52 ensuite, Jules César conquiert le nord de la Gaule du Nord ( Gallia Comata ). Voici donc les quelque 60 communautés gauloises soumises à la civilisation romaine. La romanisation va durer 500 ans .
- Pour des raisons pratiques, économiques, vitales, les Gaulois vont bientôt adopter la langue du conquérant : le latin. L'apprentissage du latin obéit à deux raisons : raison pratique (commerciale) aison du plus fort (militaire, culturelle)
- Le Latium avait sa langue ; Rome avait son langage : les Praticiens parlaient le latin classique ; le latin " vulgaire " était différent. Le latin importé était le latin vulgaire, populaire. Il était facile expressif et apte à tous , bien plus que le latin classique, châtié.
Ce latin a été parfaitement assimilé et s'est bien acclimaté au territoire gaulois ; Déjà déformé à l'origine, ce latin était diversement parlé par les diverses catégories de colonisateurs ( soldats, marchants, artisans). Cette diversité de latins fut diversement captée par les oreilles peu accoutumées à ce nouveau langage. Tant bien que mal, les Gaulois tâchèrent de reproduire ce latin qu'ils prononce très mal et auquel ils mêlent volontiers leur jargon ; C'est ce qui explique en partie la latinisation de certains mots gaulois
- Le latin importé en Gaule a entraîné l'éviction du gaulois. Peu à peu les gaulois en vinrent à parler des latins ; Ces latins s'écartent progressivement de la langue importée au point de devenir des idiomes différents et nouveaux. Le latin vulgaire s'est fragment en dialectes gallo-romains, devenus différents les uns des autres. Ainsi s'explique au lendemain de la romanisation, la grande variété et la multitude des patois gallo-romains . On en aurait dénombré quelque 200
- Cependant, pour des besoins administratifs, on utilisait le latin savant, pareil à celui de Rome mais incompris par les populations. Ce latin cessera d'ailleurs vers l'an 700. Il y aura un bilinguisme latin-gaulois jusqu'au 4° ou 5° siècle en Gaule.
- Toute cette lente évolution permet de dire qu'a la fin de la période romaine (476), la Gaule n'est plus gauloise mais totalement romanisée
Mais …….sous l'habit latin…………..est resté l'esprit gaulois.

ORIGINE Germanique

La richesse et le confort romain attirèrent les peuples voisins . La pénétration des peuples germaniques dans l'empire romain fut préparée dès le 1° siècle par l'embauche dans l'armée romaine, entamée au 3° siècle grâce à l'infiltration de mercenaires, accélérée en 406 par les invasions massives de peuplades.
En 257, invasion des Alamans et des premiers francs.
En 275, seconde invasion générale et désastre.
Aux 4° et 5° siècle, invasions sous la poussée des Huns.
Suite à ces invasions répétées, morcellement administratif et linguistique.
Les Germains sont des guerriers ayant leur culture propre, bien différente de celle des gallo-romains . Ils ont fusionné avec les populations autochtones en s'assimilant à leur culture gallo-romaine qu'ils ont légèrement germinisée.
La langue germanique, le tudesque, est venu modifier les idiomes locaux et s'y est assimilé. La langue germanique elle-même est cependant restée la langue de l'élite militaire jusqu'au 10° siècle.
Les premiers emprunts germanique ont été faits par le latin qui avait déjà établi le contact. Ainsi le tudesque " blund " est devenu " blundus " en latin et a donné " blond " en français.
De la langue germanique, nous est resté un grand nombre de termes militaires ; il suffit de penser à " heppa " hache et " sporo " éperon.

ORIGINE Franque.

Les francs sont un peuple germanique qui conquit la Gaule. Ilssont déjà entrés dans l'empire romain au 3° siècle (275) et s'étaient installés au pays de Liège où le langage gallo-romain se francisa d'ailleurs très tôt et plus profondément qu'autre part.
Deux groupes de Francs sont à distinguer : Ripulaire et Saliens. Les Saliens ont progressé vers la sud par petites migrations successives et se sont implantés dans le centre de la Gaulevers 450.
Les Ripulaires, restés au-delà du Rhin, se sont installés entre le Meuse et la Moselle auc ous de la seconde moitié du 5° siècle.
En 481 Clovis établit son royaume franc; Il conquiert la Gaule.
La frontière linguistique belge date de cette époque franque : on endéduit qu'elle indique la limite de la romanisation .
Les Francs avaient leur civilisation particulière. Ce sont des gens de la forêt, travailleurs et un epu sauvages. De leur langage, le Francique, il nous reste un grand nombre de mots wallons, notamment en wallon liègeois. Qu'on pense par exemple à " bouwer " lessiver ," crohî " briser,
" frèh " humide, " hatrê " cou, " hati " roussir ou brûler à la surface, " riwèri " guérir, " wêtî " guetter, pour s'en convaincre.
Le français, quand a lui, n'a gardé que quelque 200 mots d'origine francique ; le plus del ewemple étant " want " qui a donné " gant "

ORIGINE Romane.

La transformation du latin des Gaules en une nouvelle langue, ancêtre des différents dialectes français, débuta dès le 3 siècle. Les idiomes parlés sur le territoire de la Gaule au seuil du 6° s.
sont appelés " langues romanes "
Sous les mérovingiens (445 - 751), il y eut morcellement territorial et, en conséquence, formation de dialectes.
Sous les carolingiens (751 - 843), le latin classique s'opposa au roman, bien différent du latin et du germanique est attestée dès le 8 siècle. Chacune des langues romanes est née d'un brassage d'éléments multiples où l'on retrouve du gaulois (substrat), du latin (fondement) et du germanique (superstrat). Chaque région de la Gaule parlera " son " dialecte roman, issu de la même souche latine.

Deux régions linguistiques partage la Gaule : le domaine d' Oïl au nord, le domaine d' Oc au sud.
En pays d'Oïl, il y a échanges entre les peuples car le relief est plat. En pays d' Oc, les peuples seront plus isolés à cause des montagnes. On distinguera au nord de la Gaule , les langues d' oïl rassemblant : wallon, picard, normand, champenois, lorrain, angevin, tourangeau, bourguignon, morvandeau, poitevin, berrichon, bourbonnais, francien.
On distinguera au sud de la Gaule, les langues d'oc, se ressemblant ; limousin, auvergnat, gascon, languedocien, provençal, langues aux-quelles on apparente le groupe franco-provençal qui rassemble : franc-comtois, romand , lyonnais, savoyard.

A l'intérieur de ces divers dialectes, on peut encore supposer l'existence de patois locaux . Ainsi, la wallon se divise en est-wallon, centre-wallon et ouest-wallon.
L'usage de ces langues romanes s'impose bientôt au point que, en 813, le concile de Tours demande aux prêtres de la Gaule de prêcher en roman alors que la seule langue latine est en usage dans l'Eglise au lendemain de l'évangélisation de la Gaule. ( 6°, 7° , 8° siècles.)
Le latin était aussi la langue des relations officielles, politiques, culturelles. Autant le latin était la langue de la culture, autant les langues romanes servaient aux relations quotidiennes.
La Gaule va donc vivre et parler en roman dès le 8°siècle jusqu'au 14° siècle. Pendant cette longue période, tous les dialectes sont égaux, chacun dans sa région, jusqu'à ce que l'un d'eux prédomine.
En 987, en effet, la dynastie des Capétiens s' instaure et tend à " nationaliser " son dialecte, le francien , dialecte de l'Ile-de-France . Dès ce moment, et de façon lente et irréversible, tous les autres dialectes roman vont être relégués au rang de patois.


EVOLUTION

Du 8° au 12° siècles
Pendant le régime féodal, il y a la séparation territoriale, économie fermée, donc accentuation du dialecte puisque chaque région vit repliée sur elle-même. On assiste à l'éclosion de patois locaux.
Les rapports sont faible entre les régions : chaque région a donc son parler. Parmi toutes ces régions, en Wallonie, on parle un wallon fort conservateur. En effet, le wallon a gardé seulun certain nombre de mots latins. Ainsi le mot " melêye " pommier, " èvoye " en route (partir)
" faw " hêtre, sinmî " aiguiser. Ceci est dû à une raison géographique : position excentrique et limitrophe ; et à une raison politique : région toujours détachée de la France.
Le wallon , latin déformé comme les autres dialectes romans, serait né à la fin du 8° siècle ou début du 9° siècle. A ce moment, il est le seul moyen de communication entre les habitants de la région et essentiellement oral.
Cette langue naissante voit à ses côtés la langue latine qui sert aux usages juridiques, ecclésiastiques scientifique, ainsi que la langue française, toute récente elle aussi, et qui remplacera progressivement le latin dans les domaines politiques et juridiques .
De plus une langue littéraire commune apparaît dès le 9° siècle et se superpose aux dialectes.

En 980, Notger fonde la principauté de Liège. Ceci explique que dès le 11° siècle, Liège fait office de capitale culturelle de la Lotharingie.

En 987, fondation du royaume des Capétiens, ce qui entraîne l'extension d'aun " koînê ", le francien qui devient la base commune de la langue nationale. Ce francien, bien soutenu par lpouvoir royal et ecclésiastique, deviendra rapidement l'Ancien Français.
L'Ancien Français est très libre dans ses expressions, exemple : sei apondre, brochier vers ; il a le goût du concret, exemple : batre Seine, cuider tenir Dieu par les piez , vendre vessie pour lanterne , tempe et tard, de lonc et de lez. Cet ancien français va imposer sa norme et son usage dès la fin du 12° siècle.

Du 13° AU 16° siècles.
On passe, du 13° au 16°siècle, de l'Ancien Français au Moyen Français. Dès le début du 13°siècle, la langue française l'emporte sur le latin . Il s'agit du français de Paris et non d'un dialecte local.
Au 13° siècle, on note un net progrès du français. L'Université de Paris est créée en 1220 ; le prestige du français se répand à l'étranger : Italie, Allemagne, Hollande, Angleterre, Orient, surtout vers les années 1260 - 1290.
Le français est la langue officielle , la lanue commune, qui permet une compréhension universelle dans tout le territoire roman. Il en a été de même dans tous les pays d'Europe où il a ssupplanté le latin.
Dès 1300 ; la suprématie de la langue Française est incontestable. Il est cependant difficile de dire depuis quand le français a remplacé le latin parce que leschoses se sont passée de manière progressive. On écrit encore en latin pour les œuvres de médecine et théologique.

Au 14° siècle, on assiste à la naissance du Moyen Français qui suit son évolution progressive. Il devient une langue écrite et structurée.

Au 16° siècle, le français est la langue littéraire unique cependant que le latin reste la langue savante.En 1539, par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, le français devient la langue exclusive du royaume de France comme langue administrative, juridique, diplomatique, et politique. Cette ordonnance vise, non pas les dialectes qui n'ont jamais été rivaux, mais le latin.
Les dialectes dont le wallon, sont pleinement individualisés dès 1200. Au 13° siècle, de leur propre volonté, sans aucune contrainte, les wallons ont adopté le français comme langue de culture.
Vers 1400, les dialectes ont été abaissés au rang de patois puisque le français devenait la langue unifiée. Le wallon a subi le même sort et est donc resté oral. Puisqu'il est oral , il est populaire par opposition au français , langue des clercs . Cependant, les clercs de ce temps-là écrivaient en français en teintant leurs écrits de bons wallonismes. C'est le cas de Jean d' Outremeuse et de Jean de Stavelot qui prétend s'exprimer en " beais franchois " ? De fait , la plus part des gens instruits s'expriment dans un français truffé se formes régionales.
Au temps de la Renaissance, la population urbaine vit un bilinguisme passif : elle parle wallon et comprend le françai. Si on apprend me français, la langue " maternelle " est incontestablement le wallon. Ceci est vrai au point que les étrangers notent l' aspect " corrompu " du français parlé en Wallonie. Ceci en porte témoignage : " Et ceux-cy parlent le vieil langue gallique que nous appelons Vualon ou Romand. Et de la dite langue vualone ou romande, nous en usons en nos-tre Gaule Belgique . cestadire en Haynau, Cambraisis, Artois, Namur, Liège, Lorraine, Ardenne et le romman Brabant. " (Jean Lemaire des Belges, 1510 - 1511 )
Au 16° siécle, si le latin reste encore langue savante, si le français s'impose comme langue littéraire, émancipée, le wallon reste la langue vernaculaire, réservée à l'expression orale, Désormais, le patois sera détenteur d'une saveur assez prononcée. L'écart entre les deux langues ne fera que croître : plus le français se polira, plus le wallon affirmera son caractère rustique. De ce fait , la littérature dialectale va naître, exploitant cette vaine.

Au 17° et au 18° siècles
Le français modrene est fixé au 17° siècle. Il devient peu à peu langue véhiculaire, parlée dans toute la partie romane de l'Europe. Les milieux cultivés, le monde des affaires , se francisent.
Mais le peuple, dont la langue maternelle est le dialecte, vient avec lenteur à la langue française et se met peu à peu à connaître " aussi " le français. En somme, dans nos régions, le wallon est en concurrence avec le français parlé. Il y a donc bilinguisme. Le problème serait de savoir depuis quand le français, langue écrite, est devenue aussi langue parlée en lieu et place du dialecte, langue parlée traditionnelle.
Nos ancêtres wallons ont adopté le français comme langue écrite, comme langue de culture parce que ce moyen d'expression n'était pas tellement éloigné de l'idiome local, n'était pas senti comme quelque chose d'étranger, d'extérieur ; et parce que le français était déjà une langue de communication , une " parlure " la plus commune à toutes gens ; Mais en même temps , les populations wallonnes ont fait du wallon l'instrument et le symbole de leur originalité face au français.
Tout au long du 17° siècle, les observateurs étrangers, de passage en pays wallon, notent le " baragouin ", l'aspect corrompu du langage parlé par " ceux de chez nous ". Il s'agit des différences entre le français et le français régional ou dialectal . Ainsi, on signale en 1875 qu'on le français et le liégeois.
A la fin de l'ancien régime, le bilinguisme est bien réel. On utilise le dialecte wallon pour le quotidien, on le parle dans les meilleures maisons liégeoises. Le français n'est utilisé que dans les relations officielles ou internationales. Mais, s'il est parlé il ne ressemble que très imparfaitement au français central.

Au 19° siècle
En 1789, Révolution française. Suite à cela, le français est institué comme langue nationale et, sous l'argument nationaliste, on en vient à combattre tout ce qui n'est pas français. La révolution s'intéresse aux patois pour les détruire et, par là, uniformiser le langage nationale . Ainsi le wallon, comme les autres dialectes, est pourchassé, considéré comme contraire aux intérêts du moment.
Au début du 19° siècle, suite à la chute de l' Empire, suite au Romantisme, on s'intéresse aux patois avec bienveillance et sympathie afin de recueillir les précieux témoins des ancêtres. On cultive les patois pour retrouver le bon vieux temps et renouer avec autrefois.
Dans la Belgique de 1830, le peuple wallon , heureux de pratiquer le français, s'est tourné vers ses patois comme vers un héritage précieux. Sans la langue française cependant, les habitants de la Belgique romane auraient succombé à l'action des particularisme locaux.
La région liégeoise est depuis longtemps une région privilégiée sur le plan dialectale. L'originalité de ses patois du nord-est, le particularisme principautaire , le rôle moteur joué par une grande métropole, sont les facteurs qui ont contribué à la fondation de la Société Liégeoise de Littérature Wallonne en 1856. Ceci va engendrer un regain d'énergie pour " défendre " le wallon. paradoxalement, on verra un regain d'intérêt pour le dialecte et une francisation plus accentuée.
Parallèlement, le wallon sera d'autant plus écrit qu'il sera traqué par le langage orale.
Petit à petit , le français s'installe dans l'usage oral ; ceci se généralise dès la fin du 19° siècle et s'accentue nettement au 20°.

Au 20° siècle
Plus sûrement qu'une agression venant d'un peuple voisin, le changement de vie au 20° siècle amène le peuple à abandonner son wallon, et , si cela avait continué, son français au bénéfice d'un anglais américanisé comme il en est déjà trop souvent dans d'autres domaines.
En 1914, l'instruction devient obligatoire. Ce fait contribue à évincer définitivement la langue wallonne de l'usage commun. Mais il n'y pas eu résistance quand le'instruction est devenue obligatoire et que le français a été répandu dans les classes qui l'ignoraient encore. Beaucoup on vu là une promotion, le moyen de participer au pouvoir, pour la bourgeoisie.
Après les deux guerres mondiales, on a assisté à des phénomènes bien connus : européanisation, progrès sociaux, migrations humaines, uniformisation des usages, service milotaire obligatoire, urbanisation, mass média. Tout cela sert la langue française, langue universelle.
On imagine mal la vie actuelle où la majorité des gens ne connaîtraient que le parler de leur village.
Le wallon est réduit à l'état de dialecte par la force des choses. Le bilinguisme se pratique à l'inverse d'autrefois. On parle et on écrit en français et on comprend " aussi " le wallon. Le dialecte n'est plus la langue maternelle comme au siècle passé. Actuellement, on recherche la trace ou la présence du dialecte dans l'unilinguisme français généralisé.
Le bilinguisme passif est d'un taux élevé : 70% des wallons qui ne parle pas le dialecte le comprennent . Le bilinguisme actif se manifeste par l'emploi cululé de français et du wallo ? Le wallon est ainsi employé pour exprimer les choses de la vie familière car il est devenu une langue plus directe, plus expressive.
Aujourd'hui, la valeur historique , culturelle et esthétique du wallon est peu (trop peu) appréciée parce que les tendances de la société moderne vont à l'encontre du dialecte.
Il y a dépérissement de tous les dialectes et cependant montée des régionalismes et renouveau d'intérêt pour les dialectes : à l'église, dans la chanson, à l'école, à l'université…….
On doit aussi signaler que a protégé le wallon
Que signifient encore aujourd'hui dans la Wallonie la langue et la littérature dialectales ?…..
Une fierté et une jouissance pour tous ceux qui peuvent encore en goûter la truculente saveur
Mais le dialecte évolue grâce à l'apport de néologismes ; preuve de sa vitalité.
Les parlers locaux continuent à être employés sur d'assez vastes domaines et souvent dans toutes les circonstances de la vie. Ils se parle à la ville comme à la campagne, chez le bourgeois comme dans le peuple ; souvent même , ils s'écrivent.


Où utilise-t-on le dialecte ? Qui l'utilise ? Comment et pourquoi ?

Géographique.

( Où parle-t-on le wallon ?) Le mot " Wallonie " est apparu en 1844 pour désigner la moitié romane de la Belgique . Il provient de l'adjectif " wallon " qui désignait les habitants des provinces romanes des Pays-Bas au 19° siècle, et antérieurement (depuis le 15° siècle) les anciennes marches romanes allant de la Flandre française au Luxembourg.
Cet adjectif provient lui-même de " walha " terme employé par les Germains pour désigner les peuples celtisés puis romanisés.
De même que " la francophonie " ne correspond pas exactement à " la francité , la Wallonie ne correspond pas précisément à l'aire où est parler le wallon en tant que tel.
La Wallonie comporte quatre régions dialectales , a savoir ;
- région picarde à l'ouest ( Tournai, Ath, Mons, Soignies)
- région wallonne (de Charleroi à Liège , Malmedy , Neufchâteau )
- région lorraine au sud (Virton)
- région champenoise au sud-ouest (à louest de Bouillon).
Ceci est attesté par les enquêtes dialectologiques portant sur la phonétique, le lexique et la syntaxe.
Les limites entre ces régions sont lâches car il y a de nombreuses interférence entre les dialectes eux-mêmes.
L'aire du dialecte " picard " correspond à peu près au territoire de l'ancien diocèse de Cambrai et de Tournai.
L'aire du dialecte " wallon " correspond à peu près au territoire de l'ancien diocèse de Liège
(civitas Tungrorum)
L'aire du dialecte " lorrain " correspond à peu près au territoire de l'ancien diocèse de Trèves.
Ces anciens diocèses des 9° et 10° siècles correspondent eux-mêmes aux divisions des " civitates "
Romaines qui étaient elles-mêmes inspirées par les anciens " pagi " gaulois. Belle continuité géographique.
Quand à la région wallonne, elle est à son tour subdivisée en trois régions selon certains linguistes
A savoir : - ouest-wallon - centre-wallon - est-wallon. ou en cinq régions selon d 'autres
A savoir : - wallo-picard - carolos - namurois - liègeois - wallo-lorrain.Sociale : (qui parle le wallon)
Une distinction socio-linguistique présente un danger : celui d'être interprété en termes d'inégalité linguistique : le dialecte serait une forme de langage inférieur , une forme abâtardie de la langue ; Une autre forme courante d'infériorisation du dialecte est de le considérer comme grossier par rapport au français qui aurait le privilège de la politesse. De la dépréciation du dialecte, on passe au mépris desgens qui le parlent , à une dévalorisation sur le plan humain . Et plus insidieusement, on dévalorise le dialecte en l'englobant dans le " folklore " au même titre que la cuisson du pain au feu de bois ou la collection de vieux bibelots.
La campagne est le vrai refuge du wallon. Le wallon rural, traditionnel, assez fermé, reste vivace.
La population rurale principalement agricole, parle volontiers, fréquemment, traditionnellement wallon. Le wallon urbain, quand à lui, peut se diviser en deux classes, à savoir : le wallon " populaire " parlé par les commerçants, les artisans, les petits métiers et la wallon " ouvrier " parlé par les travailleurs des usines et des chantiers. Chacun de ces wallons possède son vocabulaire et ses tournures. On a aussi tendance parler wallon pour le travail, pour les jeux, pour " faire local "
Il faut souligner le rôle humain du dialecte favorisant le contact simple et chaleureux..
Linguistique : (Comment et pourquoi parle-t-on wallon ?)
En Wallonnie, il y a dualité, complémentarité entre les deux langages. Il existe un réel bilinguisme.
Si le wallon étais jadis la seule langue maternelle, il est aujourd'hui devenu langue vernaculaire face au français, langue véhiculaire. Il y a une situation de bilinguisme franco-dialectal fondé sur l'usage de deux codes linguistiques différents dans la forme et dans la structure, mais tous deux de même souche latine.
Le Wallon , langue populaire,est aussi une langue complète et vivante. Certains disentqque le dilecte est une mini-langue ou une langue qui n'a pas eu de chance. Le wallon n'est un français déformé ni un argot (un argot ne posséde en propre qu'un lexique ) ; Le dialecte wallo a son lexique, sa phonérique, sa grammaire et ses idiomes. C'est une " langue dialectale ".
Il y a ingratitude aussi bien lorsqu'on méprise le wallon que lorsqu'on refuse le français : ingatitude et aveuglement car, nous avons besoin du français qui seul peut donner à la Wallonie sa cohésion ? Le wallon est le parler de nos intimités tandis que le français constitue le moyen de participer à une grande civilisation. La Wallonie a donc le bénéfice d'une chance linguistique unique. Il est faux de prétendre que la régression des dialectes entraîne automatiquement une amélioration de la qualité du français. On pourrait aussi se poser la question de savoir si, le dialecte dispaessant définitivement, nous ne serions que des provinciaux de la France linguistique.
On retrouve la valeur linguistique du dialecte. Henri Estienne (1531 - 1598) l'avait déjà d'ailleurs signalé en son temps en disant " Il est certain que le paler des Picard, en comprenant aussi les Wallons, serait un dialecte qui pourrait beaucoup enrichir notre langage françoys ". On est persuadé aujourd'hui de la complémentarité du français et du dialecte. Si le français est le langage appris, le wallon est la langue du terroir, notre expression naturelle. On est certain que la connaissance du wallon peut aider à améliorer la qualité du français. En effet, de même que le wallon a tendance à se franciser, le français est fortement wallonisant .Il s'agit de redécouvrir la valeur linguistique des deux langues. Le jour où nous aurons perdu nos dialectes nous aurons perdu notre originalité. C'est pourquoi il faut défendre cet idiome naturel car il est bon que la Wallonie se retrouve elle-même et qu'elle soit consciente de la possession d'une langue.

CARACTERE
Oralité.
Le wallon est une langue parlée, d'abord parlée, essentiellement parlée . De là lui vient sa spontanéité et son expressivité. Le wallon est fait pour être dit et écouté ; Il va de la bouche a l'oreille. Il se lit et s'écrit accessoirement.
Diversité.
Le wallon se ramène à des unités locales qui peuvent se regrouper en entités régionales , elles - mêmes faisant partie de plus grands ensembles dialectaux ; Il n'y a pas de véritable unité phonétique, syntaxique ou morphologique comme c'est le cas pour une langue nationale. Cependant, chaque parler est complet en lui même ainsi, il existe une prononciation, un vocabulaire, une grammaire pour le dialecte liégeois par exemple.
Mais cette diversité n'empêche pas l'unité, au contraire. Les variétés dialectales n'empêche pas la compréhension mutuelle car il y a des ressemblances grammaticales, lexicales ou phonétiques et une unité syntaxique ( pronom antéposé, adjectif antéposé, relatif )
Le mot " chasseur " laisse apparaître les trois grandes régions linguistiques générales de la Wallonie.
La région du dialecte liégeois proprement dit est elle-même subdivisée en cinq sous-régions où les parler diffèrent quelque peu. Et pour peu qu' on connaisse le wallon de son " fief " on distinguera encore des nuances entre villages. C'est ce qui fait dire communément par plus d'un : " chez nous, on dit………. J'ai toujours entendu……….
La diversité du dialecte se manifeste encore par les quelque différences ou tolérances au sein de la langue elle même ; Ceci prouve que le dialecte n'a pas été entièrement codifié, chacun s'exprimant où écrivant à sa manière.
Faudrait-il normaliser plus que ne l'on fait Jules FELLER ou Jean HAUS ? Faudrait-il trouver normal que le dialecte ne soit pas normalisé ?
Spécificité
Puisque le wallon a servi aux besoins matériels, utilitaires, il sera utilisé dans le domaine du concret. Il sera riche de mots concrets et pauvre en mots abstraits. Son vocabulaire et sa littérature seront concrets. Le wallon s'est développé dans son registre propre : celui du quotidien, de la vie affective . Il est donc spontané et exprime notre sensibilité. C'est une langue d'expression de style, non d'idées.
Le wallon reflète " le tour d'esprit des gens de chez nous, optimiste et bon enfant, positif et sentencieux, narquois et frondeur , sarcastique et nullement bégueule ( Jean Haust ). " Notre walon " est gaulois dans la moelle, il est sain et rude comme un beau gars grandi en pleine campagne. Dans sa simplicité ; il appelle un chat un chat, et si parfois comme son ancêtre latin, il brave l'honnêteté, il n'y voit pas malice " (Jean Haust )
Le dialecte fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Il est le signe , l'affirmation de notre identité. La wallon est notre bien propre, témoin irrécusable de nos origines, le moyen d'exprimer dans toutes ses nuances notre manière de voir et de sentir. Il est ce que nous sommes